Sobriété vs pauvreté

· dailyvici's blog

Lien: https://www.economist.com/interactive/graphic-detail/2022/11/26/high-fuel-prices-could-kill-more-europeans-than-fighting-in-ukraine-has

"Il ne passera pas l'hiver" : cette vieille maxime rappelle que le froid tue. Il tue en direct car il augmente les risques cardiovasculaires (le froid stresse un peu le système circulatoire), et en indirect car il favorise la survie des virus pendant leur séjour dans l'air, et nous rassemble dans des intérieurs peu ventilés où la contamination est plus rapide (c'est pour ces deux raisons que les épidémies de grippe ont lieu l'hiver).

Chez les êtres humains, une saison hivernale plus froide tue donc un peu plus (ce n'est pas le cas pour nombre de végétaux des moyennes latitudes, où un hiver trop doux n'élimine pas les ravageurs). En Europe, cet effet de surmortalité hivernale est d'autant plus prononcé que la température moyenne du pays est élevée. Un hiver "plus froid que la normale" fait donc plus de morts au Portugal qu'en Finlande, parce que dans les pays du Nord les infrastructures sont conçues "à la base" pour protéger les gens du froid alors que ce n'est pas autant le cas au sud.

Par ailleurs, quand les prix de l'énergie sont élevés, les gens se chauffent moins, et cela fait des morts en plus. Cet effet avait déjà été constaté au Japon suite à Fukushima, et avec l'envolée des prix du gaz et de l'électricité sur notre continent, il va malheureusement aussi s'appliquer l'hiver prochain (et possiblement les hivers d'après, car nous n'avons pas fini d'avoir des sujets avec l'approvisionnement en gaz sur notre continent : https://lnkd.in/dmPNvP3V ).

The Economist a ainsi fait des simulations sur le nombre de morts que la guerre en Ukraine allait provoquer avec cet effet de hausse des prix. La conclusion est que les morts par défaut de chauffage seront plus nombreux que ceux directement liés au conflit. Mais évidemment ce ne sont pas les mêmes : sans que ce constat ne porte en quoi que ce soit un jugement de valeur, la guerre tue surtout des gens jeunes et "bien portants", le froid surtout des gens âgés et/ou déjà en mauvaise condition sanitaire.

Ce serait en Italie que cet effet serait le plus ample, et en France et en Espagne le moins.

Cet épisode rappelle qu'il y a une différence importante entre la sobriété et la pauvreté : les deux vont avec une baisse de l'énergie utilisée parce que nous nous passons de services auparavant utilisés (par exemple des mètres carrés chauffés), mais dans le premier cas c'est désiré et planifié (par exemple on optimise l'occupation des bâtiments existants en diminuant l'énergie pour chauffer ou refroidir le parc, mais sans diminuer le confort thermique des occupants), ce qui minimise les conséquences désagréables ; dans le second c'est subi alors que nous n'avions rien demandé, et fatalement ca se passe moins bien.

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